Monseigneur Gilbert Aubry
Evêque de La Réunion

Qui est saint Expédit ? Son histoire ? Son parcours ?
L’histoire de saint Expédit est très controversée. Il figure au calendrier général des saints en 354. Il passe ensuite au martyrologe hiéronymites puis au martyrologe romain. Il apparaît alors comme le compagnon de saint Hermogène de Mélitène en Arménie avec quatre autres personnages : Caïus, Aristonique, Rufus, Galatas. Du point de vue historique, on le situe à la fin du 3ème siècle dans une province d’Arménie : il est soldat romain et commande la 12ème légion « la Fulminante » qui regroupe les militaires romains chrétiens. La persécution se déclare contre les chrétiens, les militaires chrétiens n’y échappent pas. Au lieu de trahir le Christ, Expédit et ses légionnaires sont décapités. L’exemple du chef a dynamisé ses soldats. Ensemble, ils sont devenus des martyrs. Dans le temps, le culte de saint Expédit s’est beaucoup répandu en Allemagne avant de se propager un peu partout dans le monde. Aujourd’hui, il est très développé au Brésil.

Pourquoi a-t-il été retiré du martyrologe ?
Après le concile Vatican II (1962-1965), il y a eu une épuration du martyrologe universel de l’Église catholique. On y a retiré les saints dont le culte ou la vie ne présentait pas suffisamment de certitudes historiques. Ce qui est le cas de saint Expédit. C’est aussi le cas des saints spécifiques à telle ou telle région, mais qui ne font pas l’objet d’une dévotion universelle. Cela ne veut pas dire que ces personnages ne sont pas saints même si ce n’est pas possible d’avoir des certitudes historiques à leur sujet. Les légendes comportent toujours une part de vérité qu’il nous faut bien garder de mépriser. Et les saints régionaux sont laissés à la libre dévotion des fidèles parce que finalement, la sainteté n’a pas de frontières.

Comment expliquer une telle dévotion à La Réunion pour ce saint venant du Sud Ouest ?
Le culte de saint Expédit a pris une ampleur croissante à La Réunion après la Première Guerre mondiale. Madame Paul Chatel qui est en France veut venir à La Réunion. Mais le trafic maritime est plus qu’au ralenti. Alors qu’elle est bloquée à Marseille, une de ses amies lui conseille de prier saint Expédit dans une église où il y a sa statue. Ce qu’elle fait. Elle obtient une place sur un bateau en partance. Il n’en faut pas plus pour qu’elle embarque avec elle une statue de saint Expédit qui trouvera place ensuite dans l’église de la Délivrance à Saint-Denis. Nous sommes en 19201. Les Réunionnais vont adopter ce saint réputé agir vite pour régler les causes désespérées tant en affaires que dans les questions de voisinage, de jalousie, de fâcheries entre rivaux et rivales, obtenir la réussite aux examens ou au permis de conduire.

Saint Expédit s’implantera dans toutes les couches de la population et jusqu’au bord des routes dans des petites niches aux allures de cases peintes en rouge et surmontées d’un crucifix. Les motivations des dévotions personnelles sont donc très diverses et parfois perverses.

La couleur rouge dans l’iconographie de saint Expédit est à mettre en relation avec le martyr qui a versé son sang pour le Christ. Mais il y a aussi le chiffon rouge amarré parfois au crucifix ou suspendu dans la niche ou encore à proximité. Il y a là une référence à des cultes de religion populaire et aussi à des pratiques de sorcellerie. Des « malbars » prient aussi saint Expédit en créant des amalgames avec des divinités du panthéon hindou, notamment Karli ou Mardevirin. Sociologiquement, la dévotion à saint Expédit est donc un carrefour aux contenus les plus hétéroclites.

1 Daté entre 1920 et 1930 selon les historiens.
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